La mastication des morts, oratorio in progress de Patrick Kermann
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Adaptation et Mise en scène : Olivier Lacut, assisté de Laurianne Gadais
Collaboration chorégraphique : Anna Rodriguez
Scénographie : Sara et Davide Comelli
Décors : Samuel Dallez, Guillaume Lacut
Lumières et son : Fabien Aumeunier
Avec : Olivier Lacut
Au Théâtre des Déchargeurs, les lundis, jusqu'au 27 juin.
Un homme se rend dans le village de son enfance. De la place de la Mairie à la Grande rue en passant devant le café de la mère Pascale, il se remémore les différents visages d'habitants aujourd'hui disparus: "Mort, le village m'apparut mort de ses occupants". Ses pas l'emmènent au cimetière, il s'y endort près de ceux gagnés par le sommeil éternel.
La "Mastication des Morts" de Patrick Kermann est un texte de théâtre ouvert. La frontière entre la vie et la mort abolie, notre subjectivité vagabonde alors par-delà les catégories, clivages et manichéismes qui se révèlent être autant d'obstacles à notre imaginaire. A tous les possibles nous sommes ici tenus.
Le texte de Patrick Kermann est diablement malin. Il est à la fois le minerai brut et le bijou finement ciselé. Une écriture proche de celle de Georges Perec.
Au tout début, sur un écran, en fond de scène est projeté une citation de La Bruyère: " Il n'y a pour l'homme que trois événements: naître, vivre et mourir ; il ne se sent pas naître, il souffre à mourir et il oublie de vivre". Et sur la fin, la parole de Riboux Mariette née Levrault 1945-1989: "je dis/la terre aux vivants/rendons la terre aux vivants/je dis".
C'est entre ces deux jalons qu'Olivier Lacut tend son fil et prend de la hauteur en nous proposant son imaginaire au travail par sa mise en scène et son jeu.
Un numéro d'équilibriste où les déplacements du corps du comédien accompagnent et croisent les mots d'outre-tombe dans un ballet quasiment surréaliste.
L'interdit et le non-dit enterrés, les mots font surface tels des feux follets après la décomposition du mieux-disant, ils se livrent alors à une parole où l'atrocité côtoie la tendresse, le rire le cri, le coup la caresse.
Par-delà les faits divers ou les livres d'histoire avec leurs infanticides, parricides, génocides, leurs accidents stupides, les mots prennent ici une dimension poétique.
Sur l'écran du fond de scène apparaît les noms de ceux qui parlent, gravés aussi parfois sur les monuments aux morts de nos villages, les noms de ceux tombés en obéissant aux ordres de la "grande muette".
Le jeu tout en nuances d'Olivier Lacut, la qualité du travail sur le son et la lumière, nous plongent toute la durée du spectacle dans un univers où l'inquiétude et l'espoir, les rires et les larmes tendent à l'unisson vers un urgent et infini désir de vivre.
A noter que si le théâtre des Déchargeurs sait accueillir de jeunes compagnies au talent prometteur, il offre aussi les murs de son bar à d'autres créations. En ce moment on peut y découvrir les "Sariennes" de Sandrine Mondary. De belles acryliques sur lin naturel, où des couleurs flamboyantes s'allient à des courbes sensuelles où s'estompe la frontière entre le charnel et le minéral.
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